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Où est Anne Frank !

Où est Anne Frank !

Spoiler : A la fois partout et nulle part. 

Une intrigue revisité au goût du jour 

Avec Où est Anne Frank ?, Ari Folman met en parallèle, non sans difficulté, l’époque de la Seconde Guerre mondiale dans un Amsterdam occupé et la vie actuelle dans cette même ville. Le film alterne les scènes représentant la vie d’Anne Frank partageant son quotidien et ses confidences à sa meilleure amie imaginaire Kitty. 

Tout commence lorsqu’un beau jour (non en fait il faisait très moche ce jour-là), s’échappe du journal d’Anne Frank entreposé dans son ancienne résidence devenue musée une incarnation physique de Kitty la meilleure amie imaginaire d’Anne Frank. Invisible dans l’immeuble comme un fantôme, elle ne devient visible qu’une fois hors des murs de l’immeuble. Se pensant toujours en 1945, Kitty se demande où est passée Anne, et se lance donc à sa recherche.

L’originalité du film réside dans le fait que Kitty prend vie dans l’Amsterdam moderne, sa quête pour retrouver son amie expose des travers, dénonçant l’omniprésence de la figure d’Anne Frank (la patinoire Anne Frank, la bibliothèque Anne Frank, la statue Anne Frank et le centre commercial Anne Frank…) mais l’absence des valeurs transmises au travers de son journal.

Des personnages vides

Anne Frank Amsterdam
Copyright Purple Whale Films

L’héroïne évolue dans un Amsterdam morose et hostile (autant sous l’occupation qu’à notre époque). Les décors sont gris et ternes, il pleut ! Les gens sont indifférents. Le sort des migrants est maladroitement mis en parallèle avec celui des Juifs durant la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas très bien développé ni explicité, donnant ainsi l’impression d’un propos politique non assumé et/ou superficiel. Inquiétant d’autant plus que le film vise majoritairement un jeune public. Quel message retiendront-ils du film ? Le réalisateur s’est-il retrouvé prisonnier du label de diffusion pour les “publics scolaires” ? Pourtant habitué à s’adresser à un public adulte, le ton de ce film semble bien naïf. 

Kitty, lors de son périple, fait la rencontre de Peter un voyous au grand cœur, détrousseur de touriste mais engagé pour la défense des migrants. On en apprend peu sur ce personnage, comme la plupart des autres personnages qui sont peu développés. 

Kitty migrant Peter
Copyright Purple Whale Films

Définir les individus uniquement par leurs luttes et leurs conditions ne permet pas de développer de l’empathie, ce qui affaiblit le parallèle en rendant ses enjeux inégaux. En dehors de la relation Anne Kitty, les relations entre les personnages sont également mal développées. Certains sont juste des personnages fonction servant à articuler l’histoire. Ainsi “l’amour soudain” entre Peter et Kitty tombe comme un cheveux sur la soupe. 

Malgré ces défauts, le film jouit de belles scènes poétiques (le patinage, l’encre du journal, l’évaporation de Kitty qui lorsqu’elle s’éloigne trop du journal se met à disparaître…) et suscite parfois de vives émotions notamment lors de la découverte de la vérité par la protagoniste. Le passage d’une époque à l’autre se fait avec beaucoup de sens et est bien articulé. Les flash-back ne gênent pas l’évolution du récit et restent cohérents. 

Que reste-il du message d’Anne Frank ?

Unicorn Wars, Work in Progress à Annecy

Unicorn Wars, Work in Progress à Annecy

À l’abri du soleil brûlant annécien, dans la salle Pierre Lamy, s’est réunie ce 16 juin, une partie de l’équipe de Unicorn Wars. Le réalisateur parle de ses inspirations et des ambitions de ce nouveau long métrage toujours en production, qui devrait sortir courant 2022. 

Les oursons et les licornes sont en guerre depuis toujours. Le soldat Célestin convoite le sang des licornes, car le boire rend éternellement beau. Son frère Bouboule est obsédé par la nourriture et ne cherche qu’à être aimé par son frère et ses camarades de régiment. Une unité d’oursons peu préparée quitte le camp pour une mission dans la Forêt Magique, qui déclenchera la terrible bataille finale.

Alberto Vazquez est un nom qui vous dira peut-être quelque chose puisqu’il y a quelques années il réalisait le poétique et sombre Psiconautas (2015). Un long métrage dans lequel il retrouvait les personnages animaliers de sa bande-dessinée du même titre. Éditée par Rackham, elle avait déjà fait l’objet d’une adaptation en court métrage en 2011 (Birdboy). Un an plus tard, Vazquez révélait Decorado un court métrage d’une dizaine de minutes mettant à nouveau en scène des animaux anthropomorphes à la tête lourde, entravés dans un décor de théâtre dont ils n’ont pas conscience. Mais il est surtout important de citer qu’en 2013, Alberto Vazquez réalisait Unircorn Blood, court métrage relatant l’histoire de deux frères oursons pendant une chasse à la licorne. Ce sont ces deux frères qui seront les personnages principaux du film que présentait l’équipe au festival d’Annecy le 16 juin dernier.

Un conte sombre et universel

Le projet, dont l’idée initiale provient là aussi d’une bande dessinée du réalisateur, voit le point de départ de sa diégèse dans le court métrage évoqué plus haut et cumule de nombreuses influences. Alberto Vazquez les a passées en revue lors de ce Work in Progress. Unicorn Wars est un film de guerre, pas de mystère ici. Conséquemment, Vazquez est allé puiser dans les classiques du genre comme Apocalypse Now, Platoon et Full Metal Jacket. Mais il s’est également inspiré d’œuvres moins intuitives comme Bambi ou la Bible.

La thématique de la religion sera assez importante puisque les oursons, en conflit armé avec les licornes, vénèrent aveuglément un livre sacré et s’engagent, suite à une prophétie, dans un combat pour lequel ils ne sont décidément pas très doués. Sur fond de guerre ancestrale, le spectateur suivra l’errance de deux frères eux aussi les deux parties prenantes d’une guerre intérieure pour l’amour de leur mère, s’aimant et se détestant à la fois. Le décor sylvestre évoluera ainsi en écho aux évolutions des deux personnages, tous deux support d’un propos sur les relations familiales toxiques et la violence qui s’y cache.
L’iconographie tire également une bonne partie de son inspiration des tapisseries et illustrations médiévales, mais également dans la série animée Bisounours connue pour ses boules d’amour dégoulinantes de mièvrerie.

Sans surprise, ce projet iconoclaste ne séduit pas tous les financeurs.

Un montage financier compliqué

La production se répartit entre l’Espagne (Galicie), la France et la Belgique. Vazquez retrouve des productions avec lesquelles il a déjà travaillé : Uniko, Abano Producions et Autour de Minuit, mais également Borderline Films (anciennement Schmuby) qui s’engouffre pour la première fois dans la production de long métrage avec Unicorn Wars. Le projet a d’ores et déjà un distributeur pour l’international (Charades) mais tous les aspects financiers ne sont pas encore résolus. L’équipe n’est pas parvenue à obtenir l’aide du CNC, toujours difficilement convaincu par de l’animation qui ne serait pas à destination du jeune public. Le projet est néanmoins soutenu par la région Nouvelle Aquitaine, mais le producteur Nicolas Schmerkin ne cache pas son agacement de faire toujours face aux mêmes réticences de la part des financeurs et des chaînes télévisées françaises face à des productions d’animation pour adultes.

En plus d’une co-production multiple et de la difficulté à trouver des financements, l’équipe du film a dû faire avec les contraintes sanitaires de cette dernière année. Cela n’a pas présenté un challenge insurmontable puisque, on le sait en animation, les équipes ont l’habitude de travailler en ligne et à distance. La production a fait le choix d’outils en open source (logiciels dont le code source est libre d’accès, réutilisable et modifiable ndlr.) que tous les animateurs avaient l’habitude d’utiliser. Cette coopération a nécessité de nombreuses adaptation : au niveau de la différence de langue mais aussi des processus de travail et de l’utilisation différentes des termes techniques.

Challenge technique de l’hybridation 2D/3D

Un réel challenge s’est par contre situé dans l’animation des licornes. Pas du tout anthropomorphes, noires et surtout très nombreuses (parfois jusqu’à 50 à l’écran), il fallait chercher une solution intelligente et efficace. Si la plupart des personnages et des décors sont en 2D, les licornes seront hybrides. Habituées à Blender (logiciel d’animation 3D ndlr.), les équipes étaient déjà familières de la 2D dans un environnement 3D. Parmi les animateurs, certains avaient travaillé sur J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin. Ils avaient ainsi déjà ébauché des réflexions afin d’améliorer le processus de création sous ces contraintes, des réflexions qui se sont révélées très utiles pour Unicorn Wars. Heureuse coïncidence, l’outil Grease Pencil (outil spécifique à l’animation 2D dans Blender) a fait l’objet il y a quelques années de nombreuses améliorations, ce qui a permis de nouvelles possibilités.

Au fil des tests et des essais, l’animation des licornes a pu se consolider tout en conservant un aspect “fait main” autant que possible. Fiona Cohen (superviseur de projet à Autour de Minuit) a d’ailleurs projeté quelques démonstrations durant la présentation du projet. Outre les licornes, le long métrage est très ambitieux. Ainsi on compte un grand nombre de personnages principaux et secondaires et dû à l’utilisation de Blender toutes les textures ont dues être entièrement codées.

Si l’on en croit les estimations d’Alberto Vazquez, le film devrait être révélé aux yeux du public l’année prochaine. Bien qu’on apprécie les productions tout public, c’est également agréable de voir du gore avec un propos social, psychologique et un peu sanguinolent dans une production animée européenne.